mardi 5 janvier 2010

De Palmyra (25 novembre) à Amman (3 janvier)

Marhaba !


Comme le veut la tradition, je vous souhaite à toutes et à tous une belle et joyeuse année 2010, que celle-ci soit remplie de satisfactions !

Dans mon dernier message, j'exposais à la fin de celui-ci que mon départ pour la Jordanie était imminent. J'avais effectivement en tête d'atteindre Amman avant l'expiration de mon visa, soit avant le 30 novembre. J'avais ensuite le choix entre prendre un vol courant décembre pour la Thaïlande, ou fin décembre pour le Vietnam afin de retrouver mes amis néo-grenoblois Romain et Séverine. Toutefois, comme me l'avait conté un vieux sage italien : "Quand les hommes font des projets, les Dieux se marrent."
En effet, il s'est avéré que j'ai chopé une bonne grippe fin novembre après une nuit glacée dans le désert près de Palmyra et une nuit humide sur le toit de l'hôtel Al-Assad à Damas. Ayant retrouvé Phil dans ses quartiers du vieux Damas, à Bab Tuma, je décidais de squatter son canapé dans l'attente d'une santé meilleure. J'ai ainsi passé une semaine à ne pas faire grand chose, mise à part bouquiner et travailler un peu mon anglais. Mon visa étant expiré, je me suis rendu à l'office d'immigration en quémander un nouveau (pour l'anecdote, je n'ai pas pu obtenir de visa dans le bureau destiné aux étrangers car je n'avais pas de contrat d'habitation justifiant de mon logement à Damas, en l'espèce, celui de Phil, en revanche, j'ai eu mon visa sans difficulté dans un autre office qui n'accueille pas en principe les demandes des touristes...).
Je me suis donc trouvé en possession d'un nouveau visa d'un mois (pour seulement 100 lires syriennes, soit moins de 2 euros). Je me suis alors dis qu'il serait dommage de partir de Syrie alors que je peux rester régulièrement dans ce pays. Toutefois, ayant fait le tour des principaux sites touristiques avec Phil, j'étais alors gavé de vieilles pierres et de marchands ambulants, j'aspirais donc à de nouvelles expériences originales et, autant que possible, peu honèreuses.

Je me suis alors souvenu que David m'avait parlé d'un chouette monastère à 80 kilomètres au nord de Damas, le Monastère de Saint Moïse l'Abyssin (Deir Mar Musa al-Abashi). Je décidais donc de partir pour ce lieu afin d'y passer 10 jours, le temps nécessaire pour retrouver mon énergie et une certaine sérénité alors perdues. Le 7 décembre, j'ai pris un bus de Damas à Nebek puis j'ai marché les quelques 15 kilomètres entre cette ville et le monastère (une voiture m'a avancé de 2 km lorsque je n'étais pas sûr de la route à suivre). Quand je suis arrivé au pied du monastère, j'ai été saisi par la beauté des lieux puis je me suis tout de même demandé ce qu'une personne comme moi, non baptisée et dépourvue d'éducation chrétienne, faisait ici. Je me suis ensuite ressaisi et fixé deux directions : découvrir les textes et pratiques chrétiennes et aider la Communauté par un quelconque travail pour les remercier de leur hospitalité.

Le monastère se situe à quelques 1 300 mètres de hauteur, il se compose du "vieux" monastère, magnifique bâtisse du VIème siècle où l'on peut admirer des fresques du XIème siecle, du nouveau monastère toujours en construction, ainsi que de logements pour les touristes et pour les résidents. L'ancien monastère était tombé en ruine jusqu'à l'arrivée du Père Paolo Dall'Oglio en 1983. Ce jésuite d'origine italienne, charismatique et au physique impressionnant (un bon mètre 90 et autant de kilos) décidait d'employer son énergie à la reconstruction du monastère et à fortifier le dialogue entre les communautés chrétiennes et musulmanes. La Communauté de Mar Musa est aujourd'hui composée du Père Paolo, de Houda et d'une dizaine de moines et de volontaires, principalement de nationalités syriennes.
J'ai tout de suite adoré la vie en communauté, en particulier le fait de rencontrer des touristes du monde entier, le plus souvent des globe-trotters comme moi. Ma demande de travail a été exhaussée puisque je me suis trouvé un temps hôtelier du nouveau monastère (accueil des nouveaux arrivants, inventaire des choses manquantes, ménage...). En outre, le monastère se trouvant au sein d'un parc naturel entre désert et montagnes, j'ai fais régulièrement des randonnées plus ou moins longues.

En revanche, d'un point de vue spirituel, j'avoue que ma démarche n'a pas été complètement simple. En effet, mon seul contact avec un groupe religieux avait été préalablement établi à Nancy auprès de l'organisation Sukyo Mahikari. Ce groupe d'origine japonaise pratique le magnétisme et je m'y trouvais fort bien pendant les 9 mois au cours desquels je l'ai côtoyé jusqu'à ce que mes amis (merci Gaëlle) m'avertissent de sa dangerosité, celui-ci étant classé parmi les sectes dangereuses par un rapport parlementaire de 1996 en raison de ses dérives (désocialisation des membres, dépossession de leurs biens, problèmes de santé en raison des encouragements à ne pas se soigner, la foi permettant de guérir tous les maux...). Suite à mon départ, j'avais fait une bonne dépression et j'avais pris la décision que ma vie spirituelle serait désormais une recherche individuelle, en-dehors de tout groupe et de toute influence.
Or, je me suis trouvé à nouveau plongé au sein d'une communauté avec ses rites et ses croyances. Désireux de participer aux messes, autant par respect pour les résidents que pour savoir si j’éprouvais une quelconque sensibilité chrétienne, j'avoue avoir frôlé la schizophrénie, mon attitude étant au moins partiellement opposée à mes précédentes résolutions. En outre, le Père Paolo, personnage marquant par ses convictions, sa sensibilité et son sens intuitif extrêmement développé, a dû apprécier mes quelques qualités et sentir mon attirance pour la vie religieuse et a ainsi commencé à me "draguer" en me répétant régulièrement que si je voulais rester une année entière, cela ne poserait pas de problèmes... Ajoutez à tout cela le charme et l'énergie particulière des lieux, quelques rêves troublants et des rencontres intéressantes, notamment une amitié naissante avec Shotaro, "ostéopathe" japonais avec lequel je me suis essayé à quelques séances de magnétisme a priori réussies, je me trouvais assez déconcerté. A l'avant veille de mon départ, Houda m'a demandé si je restais pour Noël, soit plus longtemps que ce que j'avais prévu. Je m'entendais alors lui répondre oui... Toutefois, je quittais les lieux le lendemain pour me rendre à Damas afin de fêter les 30 ans de David FARGE et prévoyais un retour au monastère dans des conditions différentes puisque je sollicitais la possibilité de vivre une semaine en retrait dans une grotte aménagée à cet effet.

Je suis donc parti à Damas retrouver Phil, Camille et David pour la soirée d'anniversaire surprise organisée au profit de ce dernier. L'assemblée était composée d'une bonne vingtaine de personnes majoritairement d'origine française ou syrienne. La soirée était très agréable à papoter avec tout le monde (notamment avec Didier, un "CIMADien"), sans excès alcoolique malgré le punch que j'avais préparé. C'était également l'occasion de discuter avec Camille et de remettre mes idées en place par rapport à Deir Mar Musa.
Le lendemain après-midi (18 décembre), je quittais donc à nouveau Damas pour le monastère. J'arrivais en fin d'après-midi à Nebek et parcourais à pied les 17 kilomètres en jouissant du spectacle de la nuit étoilée. Je partageais une dernière soirée avec la Communauté avant de m'installer dans ma grotte. Celle-ci est située près du monastère, dans la montagne. Elle est profonde d'environ 4 mètres. Elle est équipée d'un lit, d'une "kitchenette" (un réchaud à gaz, deux cagettes avec quelques aliments et ustensiles, un coffre pouvant servir de table et deux tabourets) et d'un lieu propice à s'installer pour lire ou bouquiner. Bien entendu, il n'y a ni eau, ni électricité (mais des bougies). J'étais très tenté par une telle expérience mêlant isolement et réflexions. Je m'installais dans la grotte munie d'une bible, du livre du Père Paolo (Amoureux de l'Islam croyant en Jésus) et d'un kilo et demi de dattes, ce qui devait constituer mon alimentation de base.
Ma journée type était approximativement : lever avec le soleil vers 6h30, petit-déjeuner à base de thé et de dattes, lecture, méditation, pause dattes à midi, lecture, méditation, visite de Shotaro pour quelques exercices d'échanges d'énergie, sieste avec l'arrivée de la nuit à 17 heures puis à nouveau dattes-lecture-méditation... J'ai tenu ce rythme alimentaire pendant 3 jours. Je me sentais extrêmement bien le 2ème jour, mon corps étant vidé des surplus liés à quelques excès, la nourriture au monastère étant très bonne (et à volonté...), mais le 3ème jour, j'étais très fatigué, ce qui n'est absolument pas surprenant dans la mesure où mon organisme n'est guère habitué aux pratiques ascétiques. J'abandonnais donc ce régime pour me remettre à des repas normaux (pain et confiture le matin, sandwich le midi, riz ou pâtes le soir).
Le fait de me trouver à nouveau seul a été quelque peu troublant au début mais n'a pas posé de problèmes majeurs, j'aurai pu continuer ma petite vie d'ermite pendant encore quelque temps si Noël n'était pas arrivé. Je suis effectivement descendu de ma grotte pour les fêtes afin de donner un coup de main au monastère. Ce premier Noël en dehors de ma Maurienne natale a été à l'image de mon expérience à Deir Mar Musa, un mélange de sentiments joyeux et tristes. Si je ne suis pas franchement attaché à cette date, elle me rappelle en tout cas cruellement l'absence de ma famille, de mes amis et de mes montagnes alpines.
J'ai quitté le monastère le 26 décembre. Le départ a été un peu difficile compte tenu des amitiés développées. Par contre, je me sentais un peu soulagé de partir, et heureux de retrouver ma liberté et mon voyage. Cette expérience a été très intéressante et riche d'enseignements en matière de découvertes, de réflexions et l'occasion de prendre conscience de mes limites, il ne me reste qu'à être attentif à ce que le temps n'efface pas ma mémoire...
Je suis donc retourné à Damas pour voir Camille et Phil. Camille et moi sommes allés nous balader à Seydnaya où nous avons finalement dormi chez des amis de Camille. A Damas, j'ai visité de nouveaux lieux avec Phil dont une superbe mosquée.
David est rentré de Deir-Ez-Zur pour le 31 décembre. Nous l'avons passé tous ensemble à Maloula, petit village chrétien au nord de Damas. Il était amusant de voir des feux d'artifice et des gens faire la fête alors que le nouvel an musulman a eu lieu quelques deux semaines auparavant. Nous sommes restés 3 jours dans un appartement loué pour la circonstance auprès d'un ami de David. Le Nouvel An a été plus sportif avec de nombreuses randonnées, que festif...
Contre toute attente, j'ai donc quitté la Syrie hier pour atteindre Amman, la capitale de la Jordanie. Cette ville nouvelle est très impressionnante puisque bâtie sur différentes vallées. Il n'est donc pas possible d'avoir une vue d'ensemble de la ville. Je me suis fait une journée touristique avec la visite du théâtre romain de 6 000 places, de la citadelle et des musées archéologiques.

Demain, je vais prendre un bus en direction du Mont Nebo qui devrait constituer le point de départ de mon voyage "roots" en bus, stop et à pied à travers la Jordanie, pour visiter quelques châteaux, la mer morte, Petra et les montagnes de Wadi Rum (où il y aurait des sites d'escalade).

En principe, je devrais prendre un avion pour la Thaïlande entre le 20 et le 29 janvier pour retrouver mon pote Juju et commencer la 3ème étape de mon voyage en Asie du Sud-est, à moins que les Dieux en décident autrement !
Je vous embrasse mes amis, et bien fort.
Une très bonne année à vous tous.
Un Grand Merci à Camille et David pour leur accueil, à Phil pour avoir été un parfait compagnon de voyage.
Tony le pèlerin.

10 commentaires:

  1. Que le tout puissant guide tes pas !
    Bonne année et surtout bonne santé,
    Bobo

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  2. j'ajouterais à cela que tes pas te mènent loin mais qu'il reste sur terre !

    Une bonne année Tony et exhause tes voeux,

    bise

    Ti'Seb

    PS Pour un archéologue comme moi, tu visites mes rêves...

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  3. Bonne année Tony.
    C'est un plaisir de lire les épisodes de ton beau voyage.
    Bises
    Armelle

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  4. Nous te souhaitons une bonne année et surtout comme les vieux du coin disent surtout la santé. Je te souhaite en supplément et ça c'est cadeau beaucoup de sérénité pour la fin de ton périple.
    Cho
    LA FAMILLE BOIS

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  5. eh ben mon Tony, on peut dire que les étapes se suivent et ne se ressemblent pas.... c'est vraiment bon de nous faire partager tes expériences spirituelles... on pense à toi dans notre Maurienne grisonnante. Je suis allé re-chercher cette cititation sur le blog d'une amie voyageuse : " En faisant le tour de la terre on finira par savoir pourquoi on vit." Henri Michaux

    grosses bises à tantôt

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  6. Bonne année à toi, de la part d'un ex Fnath de nancy...

    Le goût des uns n'est que le dégoût du goût des autres.

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  7. Bonne année Tony et heureux d'avoir de tes nouvelles. Je suis rentré vendredi soir à Marseille.
    Après Mar Moussa, ce fut pour moi Damas, Beyrouth, Crac des chevaliers, Château de SALADIN puis Istanbul.

    Ton blog est très chouette.

    Je t'embrasse et bon voyage.

    Lionel (Lionel le petit - le comédien de mar Moussa)

    P.S. : As-tu les coordonnées de Lionel Grivet (Lionel le Long)?

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  8. Fred le renard des surfaces20 janvier 2010 à 16:05

    Trois jours de dates dans une grotte, à méditer...
    Tu vas nous revenir changé, c'est sûr!!
    N'oublie rien, on a tant de questions à te poser!!!
    Aide toi et....
    Bonne année

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  9. Très bonne année Tony et plein de découvertes magnifiques tout au long de tes voyages.
    Bise
    Sophie BEYDON CRABETTE

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