Selamat Pagi !
Salut les amis !
Comment allez-vous ? La frite ?
Moi je vous avoue que je suis pas mal excité à quelques heures de prendre mon avion en direction de la France. Entre le début de la Coupe de Monde de Football (les matchs sont retransmis ici à 19h30, 22 heures et 2h30 du matin en raison des 7 heures de décalage horaire) et un état jubilatoire lié à l'idée d'un retour prochain, je peux vous assurer que mes nuits n'ont pas été très longues.
Bon, j'ai cru comprendre que vous étiez quelques uns à attendre avec impatience la fin de mon récit, en voilà l'exposé :
Le 12 mai, comme je l'expliquais dans mon précédent message, j'ai donc pris un bateau de Melaka (Malaisie) à Dumai (île de Sumatra, Indonésie). J'ai embarqué à 8h30. A côté de moi, un grand type à casquette, cheveux blonds mi-longs, t-shirt jaune fluo, bermuda à carreaux noirs et blancs s'installe. Après 2 minutes de silence respectueux, il se présente : Rikard, 21 ans, suédois, 1 mètre 96. Nous sommes les deux seuls "boulés" (occidentaux) du bateau et Rikard ne passe pas inaperçu, il est rapidement accaparé par les membres de l'équipage.
Nous arrivons en milieu de journée à Dumai avec plus de 2 heures de retard. Les formalités de visa se déroulent rapidement et facilement avec le grand sourire des douanières en prime. Contre 25 dollars, j'obtiens un visa d'un mois sans que l'on m'ait demandé de présenter mon billet de retour vers la Malaisie, ce qui est normalement obligatoire. Ça tombe bien puisque je n'ai pas de billet de retour...
A la sortie du port, les locaux nous sautent dessus pour proposer de nous amener en van dans la ville de notre choix. Habitués à ce genre de pratique et peu désireux de nous faire arnaquer, nous esquivons l'endroit et nous rendons vers le centre-ville à pied. Là, nous nous offrons un repas dans un bouib. La famille qui tient le restaurant ne parle pas franchement anglais. Nous nous asseyons pendant qu'elle nous apporte deux assiettes de riz, une assiette avec des morceaux de poulet, une autre avec de l'omelette, une autre avec du poisson... Voyant que la serveuse continue ses va-et-vient avec de nouveaux plats, et inquiet de devoir payer une somme peu en rapport avec mon budget, je lui intime de ne plus amener le moindre aliment. Nous nous régalons de tout ça et payons environ 30 000 rupiahs (moins de 3 euros) chacun.
Nous essayons de savoir où se trouve la gare routière. Les réponses que nous recevons sont imprécises et guère réjouissantes : "à 15 km du centre". Nous finissons par prendre un "bus de ville", mini van antique avec deux banquettes aménagées à l'arrière, avec consigne au chauffeur de nous amener à la gare routière. Celui-ci s'arrête peu après devant une agence de voyage. Zut ! Un autre van attend là. Le chauffeur me dit qu'il peut nous amener à Pekanbaru, la ville étape du jour, pour 50 000 rupiahs chacun, ce qui est parfait. Quand la propriétaire de l'agence nous réclame un total de 300 000 rupiahs, nous avons des arguments imparables à lui opposer. Nous parvenons à monter dans le van au prix initialement proposé.
Sur la carte, la route de Dumai et Pekanbaru apparait clairement. Elle ressemble à un axe routier important. Dans la réalité, il s'agit de l'équivalent d'une route nationale, voire départementale, mais effectivement fréquentée comme un axe majeur. Nous faisons ainsi connaissance avec la conduite indonésienne : dépassement dans les virages et dans les côtes sans visibilité, moteur en sur-régime... Il nous faut 8 heures pour parcourir les quelques 200 kilomètres qui séparent les deux villes. Le seul aspect sympathique du voyage aura été les différentes conversations avec les jeunes indonésiens qui ont partagé notre bus et les morceaux de guitare improvisés avec les joueurs locaux lors de l'un des arrêts dans une station service.
Nous parvenons à Pekanbaru à 22 heures. Le van nous dépose devant une guesthouse où nous prenons une chambre et nous couchons rapidement.
Le lendemain nous offre une nouvelle journée de transport. Après un petit-déjeuner constitué d'un kopi (café) et d'un nasi goreng (riz frit avec des légumes et généralement des œufs), nous prenons un taxi collectif pour la gare routière et de là, un bus "centenaire" bleu aux vitres fendues, en direction de Bukittinggi. Nous retrouvons comme la veille une route mauvaise, étroite et encombrée. Nous arrivons en fin d'après-midi à Bukittinggi. Il nous aura donc fallu deux journées de bus pour traverser Sumatra d'est en ouest, soit 500 kilomètres environ.
Nous partons à pied dans la ville à la recherche d'une guesthouse. Après quelques difficultés pour nous repérer dans cette nouvelle ville, nous parvenons à trouver une chambre modeste mais pas chère (2 euros chacun). Le propriétaire nous propose un trek de deux jours. Pour tenter de nous convaincre, il nous montre son "livre d'or", un cahier d'écolier jauni par le temps. Il l'ouvre à la partie des témoignages laissés par des français. Sur la page de gauche, un message d'Ombeline de Grenoble (tiens, serait-elle la fille de Jean-Claude, un ami de mon padré ?). Sur la page de droite, un message de Steph. et Steph. de Savoie. Ah ben cela, je les connais avec certitude ! Je les ai même croisé sur l'île de Kecil en Malaisie ! Quand je dis au propriétaire que je ne veux pas de son circuit organisé mais que je connais les personnes qui ont écrits ces pages, ce dernier me regarde avec des yeux ronds.
Le soir, nous faisons un tour en ville avec Rikard pour nous sustenter et faire connaissance des lieux. Des jeunes locaux viennent nous parler ; parmi eux, un professeur d'anglais de l'un des collèges de Bukittinggi. Il nous propose de faire la classe demain matin avec lui. "Euh désolé, demain nous prenons le bus pour le lac de Maninjau..."
Le 14 mai, nous prenons effectivement un vieux bus jaune jusqu'au lac. Avant le départ, plusieurs vendeurs montent dans le véhicule et proposent de la nourriture, de l'eau. Il y a même deux jeunes dont l'un joue de la guitare et chante pendant que l'autre sollicite quelques billets. En fin de matinée, nous sommes au village de Maninjau, au pied du lac.
Le site est superbe : il s'agit d'un ancien volcan qui a fait place dans son cratère à un vaste lac de 17 kilomètres de long pour 8 kilomètres de large (dans sa partie la plus large) entouré de hautes falaises escarpées couvertes de végétations. Malheureusement, lorsque nous arrivons, la pluie tombe généreusement. Nous passons le plus clair de notre temps sur le grand balcon en bois abrité de la guesthouse que nous avons trouvé à 1 kilomètre du village, à lire, écrire, siester et à jouer aux cartes. La journée suivante nous offre la même météo. Nous commençons à nous poser des questions.
Les locaux qui nous interpellent systématiquement lorsque nous sortons le nez de la guesthouse, nous ont déclaré qu'il pleut toujours ici. Zut ! Nous doutons alors de notre choix pour ce site.
Heureusement, le lendemain, le 16 mai, nous avons droit à une accalmie. La veille, nous avons prospecté les endroits où nous pouvons louer des vélos, non sans mal. En effet, si de nombreuses guesthouses ou "agences de voyage" ont des vélos, ceux-ci sont le plus souvent dans un état pitoyable. Ce matin, nous revenons dans un de ces lieux. La propriétaire nous avait dit que les vélos seront réparés. Bien entendu, il n'en est rien. Son mari commence à les bricoler mais vu le délabrement de ma bicyclette (plateau dévissé avec des pièces manquantes, freins défectueux...), je lui dis de laisser tomber. Nous allons dans un 2ème endroit où après avoir passé une dizaine de minutes avec les enfants du gérant le temps que celui-ci rentre des courses, nous parvenons à louer deux vélos à peu près en état de marche, avec cependant une selle d'une dureté qui annonce une fin de périple difficile.
Enfin équipés, nous nous lançons dans les 65 kilomètres du tour du lac. Rikard est "bike messager" à Stockholm, autant dire qu'il a la forme. Toutefois, un vélo nettement trop petit pour lui va tempérer son enthousiasme.
Nous partons donc gaiement après plusieurs jours d'inactivité. Les premiers kilomètres vont réserver des surprises. En effet, les pluies torrentielles des derniers jours ont entrainé des glissements de terrain et les habitants qui ont eu la mauvaise idée de s'installer au pied des falaises abruptes ont eu la triste surprise de voir leur maison partiellement démolie ou bien endommagée par des ruisseaux de boue. A certains endroits, la route a été emportée, parfois même sur 2 ou 3 mètres de profondeur. Le spectacle est assez désolant. Malgré cet apparent désastre, les villageois répondent à nos "hello" et nous adressent des sourires.
Le reste du tour est heureusement moins tragique et nous abandonnons le vélo tout terrain pour le vélo de route. Nous pouvons alors contempler les nombreux hameaux coincés entre les montagnes et le lac, les bicoques en bois au milieu de rizières, ainsi que quelques scènes de vie surprenantes, tels ces chasseurs armés de piques tenant leurs chiens en laisse et partant en direction de la jungle alentour ou encore ces deux groupes de sportifs pagayant vigoureusement sur leur long canoë traditionnel lors d'un entrainement en vue de quelques courses.
Nous sommes de retour en début d'après-midi à la guesthouse, heureux mais le fessier brisé, comme prévu. Le soir, le coucher de soleil sur le lac offre un spectacle superbe.
Le lendemain, nous changeons de gesthouse, nous abandonnons Abang (frère en bahasa) Gesthouse pour Lili's Guesthouse. Cette dernière est plus fréquentée que la première et le propriétaire, Rommi, plus sympathique que notre "ancienne" un peu collante à l'heure des repas car elle espère que nous dépenserons nos sous chez elle. En revanche, nous y sommes moins confortablement installés. Pendant cette journée, je vais simplement faire un tour dans la jungle environnante pour aller admirer une cascade ; l'occasion également "d'attraper" mes deux premières sangsues. L’expérience n'est pas franchement traumatisante. Leur morsure est parfaitement indolore et il est facile de les arracher avant de les balancer dans la nature.
Le 18 mai au matin, Rikard m'abandonne lâchement pour aller visiter quelques autres parties de l'Indonésie. Pour ma part, je souhaite profiter encore des lieux. L'objectif du jour est de faire un tour sur le lac avec une pirogue traditionnelle. Rommi m'apporte celle-ci. Elle est superbe, orange avec un liseret bleu, mais surtout petite, étroite et fort arrondie. Lorsque je monte dedans, je manque de basculer directement à l'eau. Se maintenir en équilibre sur la petite embarcation s'avère être un sport délicat. Je quitte le rivage précautionneusement, à petits coups de pagaie. Outre la difficulté de ne pas finir à l'eau, je me confronte à nouveau au problème de progresser sans faire de constants zigzags. Là, je n'ai pas de réponse évidente !
Après moins d'une heure de cette activité périlleuse, je décide de faire une pause salutaire. Je monte le canoë sur le rivage et m'installe pour une sieste. Une heure plus tard, lorsque j'envisage de repartir, un fort vent contraire s'est levé et des vagues de 30-40 centimètres se sont formées sur le lac. Je grimace, ce nouveau paramètre ne m'apparait pas comme une bénédiction.
Je tente tout de même de repartir. Je parcours ainsi 30 mètres. Les vagues rendent mon équilibre encore plus précaire et l'eau rentre généreusement dans le bateau. Sans surprise, après quelques mètres supplémentaires, il y a trop d'eau dans le canoë et celui-ci commence à s'enfoncer dans le lac. Je n'ai plus qu'à me jeter à l'eau et à retourner mon embarcation avant que celle-ci ne finisse au fond du lac. Je nage ensuite en traînant la barque jusqu'au lieu de ma précédente pause. Misère !!! Je laisse une dizaine de minutes s'écouler avant de retenter ma chance. Mais à peine suis-je assis dans le canoë qu'une forte vague remplie à nouveau celui-ci d'eau. Pu...naise ! Nouvelle pause, nouvel essai, nouvel échec, je n'ai plus qu'à vider l'eau du canoë et à hisser celui-ci sur la terre ferme. Je m'installe à côté, penaud, scrutant l'horizon et le vent qui ne cesse de souffler. Je suis mal barré.
Deux paysans qui travaillent à proximité m'invitent à partager leur petit abri de bois. Nous discutons malgré leur faible niveau d'anglais. Comme à chaque fois que je dis que je suis français, ils me répondent :
- "ZIDANE !"
-" Yes my friend, Zidane..."
Toutefois, leur culture est plus riche que ce que je ne pensais :
- "Mickael PLATINI !"
- " Michel PLATINI my friend, Michel..."
Je demande à mes deux amis à quelle heure ils pensent que le vent se calme. A priori, pendant la nuit. Après encore quelques propos échangés, je décide de retourner à la guesthouse à pied, j'irai chercher le lourd canoë en bois le lendemain, en espérant que les cieux soient cléments en début de matinée.
Le lendemain, je me lève tôt et j'ai droit à un splendide ciel dégagé et aucun souffle de vent. Je retourne donc à pied jusqu'à l'endroit où j'ai laissé mon canoë. Je salue au passage l'un de mes deux compagnons de la veille. Le retour se fait cette fois-ci relativement sans encombre.
En fin de matinée, je pars à pied avec dans l'idée d'atteindre le sommet de l'une des montagnes environnantes. Du lac, on ne voit qu'une épaisse végétation mais quelques toits en tôle révèlent une présence humaine. Je suis la route pour bifurquer à droite dans un village. Je continue sur une route dont la pente s'accentue à chaque mètre parcourue. Je suis accompagné un instant d'une dizaine d'écoliers qui rentrent chez eux, l'occasion pour eux d'essayer leur quatre mots d'anglais.
La route goudronnée fait place à un large sentier puis à un chemin étroit en béton. Après une bonne heure de marche, j'arrive dans un petit village avec ses 20 maisons et ses 2 mosquées. Un habitant qui m'aperçois me lance :
- " Sekura, Sekura !"
- "Euh, no, no, je vais bien."
- "Sekura, Sekura."
Comme il me montre du doigt le sommet de la montagne, je finis par comprendre que Sekura est le nom du sommet.
- "YES ! Sekura !"
C'est tout droit...
Je traverse encore un autre village, perché sur un plateau, puis arrive au sommet où je bénéficie d'une vue grandiose sur tout le lac.
Après 5 minutes de contemplation, je reprends ma marche en suivant "le chemin des crêtes". Ce dernier m'amène vers plusieurs villages dont je ne pouvais soupçonner l'existence. La vie semble ici paisible et les lieux sont en tout cas remarquables. Je croise des locaux portant des fagots de bois, faisant sécher des grains de café...
Deux heures plus tard, je parviens à un nouveau sommet. Celui-ci est réputé pour la pratique... des sports de vol ! Quand j'arrive, un amateur de deltaplane s'élance. Les indonésiens sont assez nombreux là, en train de siroter une boisson en regardant le lac. J'absorbe deux boissons gazeuses de marque américaine et repars en direction de la route qui descend vers le lac de Maninjau, le chemin est encore long et il fait nuit dans une heure !
J'arrive à la route aux 44 lacets un peu plus tard et commence à descendre les 7 kilomètres qui me séparent du lac au soleil couchant. Au virage 33, une tête sort d'un 4x4 :
- "You go to Maninjau ? Ok, climb !"
A l'intérieur du véhicule, un sympathique conducteur petit aux cheveux longs me salue. Il fait du deltaplane et redescend du col. Avec lui, 3 de ses amis font la route. Nous discutons agréablement jusqu'à ce qu'il me dépose devant ma guesthouse. Merci les amis !
Le soir, je retourne au bouib où je suis allé la veille alors que le village est plongé dans l'obscurité par une énième coupure de courant. Heureusement, le propriétaire du restaurant possède un générateur. Je papote avec les fistons du propriétaire, adolescents heureux d'utiliser leur anglais. Quand je leur dis que je pars le lendemain, le plus jeune des deux fait quelques photos qu'il imprime ensuite en double exemplaire afin que nous ayons chacun un souvenir.
Le 20 mai au matin, je prends un taxi collectif pour la gare routière de Bukinttinggi. Là, j'achète un billet de bus pour la ville de Sibolga. Le bus part à 17 heures, j'ai donc quelques heures à glander en ville, le temps de consulter mes mails, manger un nasi-goreng... A 17 heure, quand je vois mon bus, je comprends que je me suis fais arnaquer. J'ai payé pour un bus de luxe (125 000 rupiahs) et j'ai en face de moi un bus trentenaire, fatigué, la peinture violette craquelée, les sièges affaissés, plusieurs roues de secours couchées dont une dans l'allée même du bus (habituellement je paye 70 000 rupiahs le trajet pour ce type de bus). Le voyage s'annonce mouvementé.
Le bus part avec une heure de retard. Il fait nuit ici à 18h30 environ, je n'ai donc rapidement plus rien à contempler par ma fenêtre. Le trajet va durer près de 12 heures avec 4 arrêts : un pour manger, 3 pour des réparations !
Nous arrivons à 6 heures du matin à Sibolga. Je traverse le marché déjà en ébullition à la recherche d'une chambre où m'écrouler suite à une nuit quasiment sans sommeil. Je trouve mon bonheur un peu plus loin. Je prends une douche et me laisse choir pour me relever 6 heures plus tard. Je vais faire un tour dans cette petite ville chrétienne aux nombreuses églises. Les gens m'interpellent fréquemment, m'invitant à prendre un siège à côté d'eux. Je réponds à quelques sollicitations. Je vais finalement passer une partie de l'après-midi à jouer de la guitare avec un petit jeune. Le soir, je zone à la recherche d'un endroit où acheter un billet de bateau pour l'île de Nias, sans succès. Je finis ma soirée à regarder les performances d'acteur de Julien Ratel sur internet.
Le lendemain, je trouve mon sésame : un billet pour Gunung Sitoli, sur l'île de Nias. Le départ est à 20 heures, j'ai à nouveau beaucoup de temps pour glander... A 19h30, je sollicite un pousse-pousse et me laisse mener jusqu'au port. J'aperçois le ferry, il n'est apparemment pas de première main. J'ai pris un billet de seconde classe et ne vais pas le regretter. En arrivant en haut des escaliers pour accéder un premier étage du bateau, j'ai une vision d'horreur : 4 rangées de "lits" superposés de 2 mètres sur 10 de long où s'entassent une cinquantaine de personnes mangeant et fumant. Je n'ai aucune envie de faire le trajet dans une telle cage à lapins !
Je traverse les couchettes. Un jeune à casquette me fait signe de le rejoindre. Il est assis sur une grosse caisse en bois un peu à l'écart. Je m'assois à côté de lui. Nous essayons de discuter un peu avec mes 5 mots de bahasa et ses 10 mots d'anglais. Étant le seul "boulé" à bord, deux autres personnes nous rejoignent, curieuses de me connaitre et intéressées d'approfondir leur connaissance de l'anglais. Les questions n'arrêtent pas. Après avoir visionné partiellement un film porno sur un des téléphones portables, mes nouveaux amis souhaitent que je leur traduisent en anglais quelques mots qu'ils me font comprendre à renfort de gestes et de bruitages parfaitement éloquents. Nous aurons ainsi droit à pénis, vagin, anus et j'en passe. Heureusement, après une petite heure, Martin, dentiste à Gunug Sitoli, rejoint notre troupe et donne à la conversation une tonalité plus habituelle et distinguée.
Vers une heure du matin, les gens se décident à essayer de dormir. Sur ma caisse en bois, cela ne se révèle pas facile. Le bateau arrive finalement à Gunung Sitoli alors que j'ai du dormir seulement quelques minutes. Au port, les chauffeurs de taxi font la chasse. Je les esquive et file vers le centre ville à pied. Là, je prends mon traditionnel nasi-goreng et kopi avant de reprendre ma marche. J'arrive à une pseudo gare routière où je retrouve mes chauffeurs de taxi tout sourire. Pour aller à Sorake Beach, ils me réclament 300 000 rupiahs. Incroyable ! Je parviens a descendre le prix à 100 000 rupiahs (j'apprendrais par la suite que les locaux payent 60 000 Indonesian Rupiahs ou IDR).
Le taxi s'arrête à l'aéroport pour faire le plein de passagers. La plupart des arrivants sont indonésiens mais j'aperçois également deux "boulés" avec leur planche de surf. Et oui, l'île de Nias est avant tout réputée pour être un excellent spot de surf, un énorme rouleau s'offrant aux amateurs toute l'année.
Nous finissons par partir sur une route à nouveau étroite et défoncée. Le paysage est superbe : palmiers, rizières, maisons en bois, bananiers et bientôt la côte et une mer turquoise. Après 3 heures de voyage, nous arrivons dans la petite ville de Teluk Dalam. Mon chauffeur s'arrête là et me demande 100 000 IDR pour continuer jusqu'à Sorake Beach, pourtant situé à seulement 12 kilomètres. Je descends du véhicule et prends une moto-taxi pour 20 000 IDR. Celle-ci me dépose à Oikhoda Guesthouse. Je suis agréablement reçu par la famille qui tient l'hôtel et pour 50 000 IDR (moins de 5 euros), j'ai une grande chambre à l'étage avec deux lits, salle de bain, large balcon donnant sur la mer d'où je peux observer les surfeurs aguerris et une large crique bordée de palmiers. Je discute avec mes propriétaires et décident courageusement de me mettre au lit. Il est 16 heures.
Le 24 mai, je commence mon inspection des lieux par une marche le long de la plage. Je découvre un lieu magique : une plage avec ses palmiers et ses vagues qui s'étend indéfiniment et sa faune marine, notamment des crabes et une petite murène. Toutefois, il est quasiment impossible de se baigner ! En effet, depuis le tremblement de terre et le tsunami qui s'en est suivi en 2005, le sol s'est élevé de 0,50 à 3 mètres. Aussi, la plage fait place à une espèce de roche pas toujours engageante qui se termine à l'endroit où se fracassent des vagues impressionnantes. Certains locaux viennent chasser les pieuvres dans ces endroits où moi je ne m'aventurerai pas.
Le soir, je suis dragué par les locaux empressés de me vendre des sculptures, des t-shirts, ou de m'amener dans les villages alentours, de me louer un surf, de me donner des leçons de surf... Je rencontre ainsi Bebas qui me propose un surf de location pour une semaine pour 400 000 IDR avec une première leçon gratuite délivrée par ses soins. Je dis banco ! C'est parti pour la découverte de ce nouveau sport.
Le lendemain, il me livre le matériel. A la tête de mon propriétaire, je comprends qu'il y a quelque chose qui cloche. Nous commençons à discuter. Deux difficultés majeures sont pointées du doigt :
- pourquoi ne m'a t-il pas apporté une planche plus grande mieux adaptée aux débutants ?
- Bebas n'est pas prof de surf !
Il est ainsi décidé que le surlendemain, j'aurai droit à une nouvelle planche et que c'est finalement Anto, le jeune athlète du coin, qui sera mon professeur.
Je commence le matin même les leçons. Nous nous rendons à beach break. Anto m'explique qu'il y a des voleurs ici, aussi, il ne faut pas que je laisse mes sandales sur la plage. Il les dépose sur une épave échouée au bord de la mer.
Nous allons à l'eau. Le travail d'Anto consiste à me pousser dans le sens de la vague lorsque celle-ci arrive, afin d'avoir suffisamment de vitesse pour prendre celle-ci. En revanche, celui-ci n'a pas jugé utile de me donner une quelconque explication sur la manière de se lever et quelle position adopter sur le surf. Après 2 heures et plusieurs essais, j'arrive à me lever mais en raison d'une mauvaise position sur une planche un peu petite, celle-ci s'enfonce inexorablement dans l'eau. Je laisse Anto partir et je fais des essais tout seul pendant 2 heures. Quand je retourne à l'épave, je m'aperçois qu'avec la marée montante, la mer a emporté mes sandales ! J'aurais franchement préféré me les faire voler, au moins, mes chères sandales auraient servies à quelqu'un. Le soir, j'acquiers une paire de tongs pour moins de deux euros auprès de Bebas...
Le lendemain, Anto décide qu'il est préférable d'aller près de la vague des surfeurs "professionnels" car Beach Break n'offre pas assez de vagues. Je me retrouve ainsi à marcher sur les rochers alors que des vagues m'arrivent dessus avant de me lancer dans une espèce de machine à laver géante dans laquelle je suis secoué par des vagues de 2 ou 3 mètres de haut. Anto me propulse 3 fois et je parviens à avoir une position debout décente et à éprouver des sacrées sensations de glisse et de vitesse avant de retomber dans l'eau et d'avoir à lutter contre les flots. Au bout d'une heure, je suis lessivé... Nous arrêtons pour aujourd'hui après de premières sensations mais toujours pas d'explications !
Je décide donc dorénavant de m'occuper moi-même de ma formation. Aussi, je vais me rendre tous les jours à Beach break et m'évertuer à juger de la taille des vagues, à me mettre dans le sens de celles-ci et à nager de toutes mes forces quand la bonne vague arrive afin de prendre de la vitesse et lorsque mon surf est au sommet de celle-ci, appuyer mes mains fermement sur l'avant de la planche et me lever en étant propulsé par la vague et me sentir glisser sur celle-ci. J'ai effectué des essais concluants mais il y a encore de nombreux ratés et le style doit être discutable.
Peu désireux de goûter aux transports indonésiens si longs et inconfortables, j'ai décidé de prolonger mon séjour à Pulau Nias afin de rester non pas une semaine mais 16 jours, l'occasion de parfaire ma technique et de goûter à cet apparent petit paradis.
Je vais commencer à avoir une petite vie réglée : lever le matin à 9 heures, petit-déjeuner, direction beach break à pied, surf 2,3 ou 4 heures, lunch, sieste, compétition de tennis de table avec Titus à 17 heures, le propriétaire de l'une des guesthouses environnantes, dîner puis lecture, écriture...
Il va clairement manquer pendant cette période quelques sympathiques amitiés.
En effet, si la guesthouse voisine est bourrée de touristes surfeurs, la mienne est surtout occupée par des indonésiens qui ne restent qu'une ou deux nuits. En outre, les surfeurs brésiliens ou australiens, majoritaires ici, se déplacent souvent en groupe d'amis et ne cherchent pas à avoir des contacts extérieurs. Enfin, cette année est assez particulière. La propriétaire d'une guesthouse m'a confié que l'endroit est habituellement festif et que cette année était étonnamment calme.
En définitive, j'ai donc essentiellement sympathisé avec les locaux : propriétaires de guesthouses, vendeurs en tout genre, même les prostituées de la guesthouse voisine avec lesquelles j'ai partagé... quelques mangues.
Enfin, les 3 derniers jours, pas de vagues à Beach Break ! Misère ! Je me suis donc résolu à retourner dans le coin des pros me faire secouer les os et prendre difficilement quelques vagues.
Pulau Nias laissera donc une impression mitigée. Une image de petit paradis marquée par les tremblements de terre dans son sol et dans les mentalités. Ses habitants ont une psychologie de victimes et attendent des étrangers une aide économique constante, d'où une perpétuelle sollicitation parfois fatigante.
Le meilleur souvenir restera finalement la visite de l'un des villages traditionnels de l'île avec la maison du Roi du village, son mur de pierres que les habitants les plus doués sautent pour prouver leur force et leur adresse, son linge étendu par terre pour sécher, ses sculptures de bois ou de pierre, son coiffeur qui officie sur le trottoir...
Le 8 juin au soir, j'ai pris un nouveau bateau nocturne de Teluk Dalam à Sibolga, pour une nouvelle nuit horrible avec une porte qui s'ouvre et claque à chaque vague, des passages incessants des occupants du bateau... enfin une nuit courte, comme vous l'aurez compris. Je suis arrivé le matin à 8 heures à Sibolga où j'ai pris un mini van en direction de la grande ville de Medan, de l'autre côté de l'île de Sumatra. La route de montagne n'a apparemment pas plu à deux de mes jeunes voisines qui ont vomi régulièrement lors du trajet... A 11 heures, lors de l'arrêt repas, je me suis aperçu que j'avais le mal de terre, difficile d'être sur une surface plane et immobile ! Je suis arrivé à Medan à 18 heures sous des trombes d'eau. J'ai heureusement trouvé facilement une chambre dans une guesthouse et un billet de bateau pour le lendemain et l'île de Penang en Malaisie.
Le 10 juin, j'ai donc eu droit à une nouvelle journée de transport, jusqu'à la ville de Georgetown sur l'île de Penang, où je suis déjà passé il y a un peu plus d'un mois et demi. J'ai repris une chambre dans la 75 travellers lodge et j'ai pris un rythme pépère tributaire des horaires des matchs de la coupe du monde. J'ai rencontré là notamment Nicolas, qui va prochainement partir en Inde, Richard, l'anglais qui porte un t-shirt "fier d'être français"... Nous étions ainsi chaque soir une dizaine assis sur des chaises ou par terre dans l'entrée de la guesthouse, entre 20 et 70 ans, filles et garçons, malaisiens, japonais, allemands, hollandais... à soutenir l'Argentine ou l'Angleterre.
Comme le veut la tradition, j'ai bien entendu acheté le maillot de l'Italie avant le début de la compétition, c'était l'occasion de courir dans une partie de la ville à la recherche du bien convoité, et aussi de tenter d'expliquer pourquoi je suis français et je porte un maillot azur...
La vieille ville de Georgetown est en tout point agréable, les quelques journées passées là-bas ont été des plus tranquilles.
Hier matin, j'ai pris le bus de Georgetown à Kuala Lumpur où je me suis baladé rapidement sans trop de passion pour les grandes villes ; et cette nuit, à 3h15 (heure locale), je devrais m'envoler pour le Koweit, puis Rome, puis Paris, où je devrais arriver à 19h15, attendu par la Grande Jiji puis mon Comité de réception !
A venir : une semaine sur Paris, puis, a priori : deux jours à Lyon les 23 et 24 juin avec un crochet par Saint-Étienne, puis Grenoble et suivant le programme des loulous un weekend en Maurienne ou quelque part en Rhône-Alpes. J'ai finalement abandonné l'idée, un moment en vogue dans mon esprit, de me rendre à Nice et de rentrer en Maurienne à pied par la Via Alpina, pour deux raisons : plus de sous, bien envie de revoir les miens rapidement.
Bien entendu, un weekend sportif et alcoolisé sera prochainement organisé pour fêter dignement mon arrivée, éventuellement à Saint Rémy de Maurienne.
Maintenant, il ne me reste donc plus qu'à bâtir mon futur proche. En tout cas, je me verrais bien cet été à travailler dans une ferme dans les montagnes et faire les vendanges dans le beaujolais fin août, en souvenir du bon vieux temps !
Bon les amis, c'est donc la fin de "Tony fait un beau voyage". Finalement, mon périple n'aura duré "que" 11 mois. J'espère que mes récits vont ont fait réagir, plaisir, réfléchir, pâlir mais jamais gémir.
A bientôt donc !
Je vous embrasse et bien fort.
Tony le revenant.
PS : un grand merci aux auteurs des messages laissés. Mon blog avait pour objectif de garder le lien avec mes amis, cet objectif est plus que rempli puisqu'il a même été l'occasion de renouer contact avec des personnes que nos chemins ont éloignés. Mes amitiés à la famille Castellan, lecteurs assidus !
j'adore la fin... sea surf and sun... comme aurait dit Gainsbourg si il avait aimé la WAX !
RépondreSupprimerQuand on se reverra, en maurienne ou en corrèze (Rappel pour les loulous : The Big Correzian Festival : Aout ou Septembre 2010 !!! donnez moi vos dispos !!! ) pourras-tu nous raconter tout, encore une fois, depuis le début?
A+
bo
C'est la fin des vacances et quasiment 1 an après les avoir commencées. Je me demande comment tu as pu faire pour abandonner la MAURIENNE pendant une année.....Il va te falloir un VISA pour retourner chez toi!
RépondreSupprimerPu...naise!
RépondreSupprimerEt ben tu as en avoir des choses à raconter.
Bien le surf, tu pourras nous faire voir comment on fait sur la neige...
Par contre dommage de ne pas rentrer par Nice à pinces, car c'est vraiment sympa...
Bises ma caille, et fait péter le week arrosé et ensoleillé en Maurienne, on sera là!!
bonjour Tony,
RépondreSupprimercomme ET ça y est tu rentres au bercail fini les (vacances )
Je te remercie de nous avoir fait partager tes aventures
au fond de moi , je t'enviais, je me suis bien
régalée au fur et à mesure de la lecture de ton voyage et encore 1 X merci
bonne rentrée chez toi et à +
Christiane de Nancy
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