dimanche 24 janvier 2010

D'Amman à Aqaba (du 4 au 18 janvier) :

Sa waa ti Kap !


Je vois à vos sourcils froncés que :
1 - vous peinez à croire que cette étrange suite de mots est un quelconque lien avec le dialecte arabe ;
2 - et que si c'est du Thaï, je n'ai pas fini d'en baver pour apprendre le vocabulaire de base du pays !

Et oui, je suis finalement parvenu en Thaïlande le 20 janvier par un vol Amman - Bahrein - Bangkok acheté quatre jours plus tôt sur internet pour la modique somme de 260 euros. Je ne suis pas très fier d'exploser mon compteur pollution mais si je veux finir mon voyage avant 2011, il faut que je "saute" quelques pays et avance... Je garde donc l'Inde et quelques autres contrées pour un prochain voyage et entame en solitaire cette 3ème étape du périple avant que Julien "Danger" MEUNIER me rejoigne à Bangkok (dans 3 jours maintenant). Après une arrivée difficile dans la capitale thaïlandaise où j'ai saturé de densité urbaine et de touristes antipathiques, je suis actuellement dans la petite ville de Kanchanaburi, à 160 km de la capitale environ, où je m'acclimate à la chaleur en me reposant dans mon hamac sur la terrasse de "ma" maison" sur pilotis (4,50 euros la nuitée) quand je ne daigne pas me baigner dans l'une des 7 cascades de la rivière à proximité. J'essaye d'apprendre quelques rudiments linguistiques mais après 5 jours, j'avoue que mon vocabulaire se limite à bonjour (voir ci dessus), merci, oui, non et "c'est trop cher !" (pang pai !), très utile ici.

Tout va donc pour le mieux en attendant mon Juju qui va partager plus de 2 mois de n'importe quoi avec moi lors de la découverte prochaine du Laos, du Vietnam et du Cambodge. Toutefois, je m'attarderai sur la Thaïlande et sur le sud-est asiatique une prochaine fois, l'objectif de ce message étant de vous conter mon expérience jordanienne. Si je n'ai passé "que" deux grosses semaines en Jordanie, je peux dire que cela a été encore une fois assez saisissant. Malheureusement, pour ne pas décourager les lecteurs dilettantes, je ne serai pas exhaustif et ne vous brosserai que les grands traits de ma petite aventure.

Après environ deux mois de "co-voyage" avec Phil et 18 jours dans le monastère de Mar Musa, je me suis retrouvé à nouveau à voyager seul dans un pays réputé plus cher que sa voisine syrienne. Aussi, c'était pour moi l'occasion rêvée de partir en vadrouille dans les montagnes et le désert et de faire des nuits sous la tente, un retour aux sources de mon voyage en quelque sorte : de la marche, des nuitées étoilées, des paysages à couper le souffle ... et pas grand chose à manger...

Après quelques jours à Amman, capitale étrange bâtie sur plusieurs collines, j'ai pris un bus pour Madaba. Ayant succombé à des soucis gastriques, j'ai fait une journée au lit avant de quitter à pied cette ville pour le Mont Nebo (où Dieu aurait montré à Moïse la terre promise) et la Mer Morte, et de continuer éventuellement jusqu'au château de Karak, voire, en cas de dispositions particulièrement favorables, jusqu'à Petra. Si la première partie de la marche au bord de la route jusqu'au Mont Nebo n'a pas été foncièrement passionnante, si j'ai perdu 1 Dinar Jordanien ( = 1 euro) pour voir le centre historico-touristique du Mont, la suite dans les montagnes surplombant la Mer Morte s'est révélée beaucoup plus attrayante.

En effet, j'ai suivi les sentiers empruntés par les seuls bédouins avec leurs chèvres avec une vue charmante sur la mer. J'ai d'ailleurs échangé quelques paroles dans mon piètre arabe ou dans leur rudimentaire anglais avec les éternels habitants des lieux menant leurs bêtes entre les canyons. Bon, ne vous méprenez pas sur le côté pittoresque de cette marche, si je suis parti dans les montagnes sans carte, sans réchaud à gaz, avec un stock d'eau (3 litres, soit peu quand il fait plus de 30 degrés...) et de nourriture (1 kg de riz, du pain et du fromage) limité et en comptant sur le fameux sens de l'hospitalité des jordaniens, je suis toujours resté à faible distance de la route principale pour ne pas faire de cette aventure un nouveau drame.

Le soir venu, après avoir dérangé un serpent qui a eu l'amabilité de déguerpir, deux renards égarés et un groupe de présumés marcassins, j'ai installé ma tente sur une terrasse naturelle avec vue plongeante sur la Mer Morte. Au-dessus de moi, le soleil couchant embrase le ciel.


Le lendemain, je suis descendu faire un plongeon dans la Mer Morte qui est effectivement extrêmement salée (à tel point qu'aucune espèce vivante ne peuple cette mer située... 417 mètres sous le niveau de la mer). Il n'a jamais été aussi facile et agréable de faire la planche. En revanche, pour la brasse, c'est moins gracieux de nager avec le postérieur en l'air parce que mon bassin flotte et ne rentre pas entièrement dans l'eau... Là, j'ai acheté deux bouteilles d'eau aux marchands ambulants. J'ai compris par la suite que celles-ci sont destinées à être utilisées pour se laver, pour se débarrasser du sel... et non pour boire. Une fois sec, mon maillot de bain est resté quasiment figé...

 
J'ai repris ensuite ma route en espérant trouver un village avec une épicerie mais les lieux sont seulement occupés par des hôtels 5 étoiles. Heureusement, je finis par trouver un "ghetto" d'ouvriers qui assurent la construction d'un nouvel édifice luxueux. Il s'agit d'un groupe de maisonnettes délabrées entouré de barbelés. Un des travailleurs m'a dit qu'il y a un magasin d'alimentation là, sauf que celui-ci est fermé lorsque j'arrive. Toutefois, deux personnes m'encouragent à me rendre plus bas chez le propriétaire. Celui-ci fait la sieste, enfin faisait la sieste jusqu'à ce que je tambourine sur sa porte. D'assez bon gré, il m'ouvre son échoppe. Malheureusement, il n'y a ni pain, ni fromage... j'achète tout de même un coca et quelques biscuits afin qu'il n'ait pas l'impression que je l'ai dérangé pour rien.
J'abandonne la route pour retrouver les montagnes. En fin d'après-midi, je trouve une oasis, parfait, du feu et de l'eau pour faire cuire le riz ! Je prépare ce repas de fortune qui sera finalement tout à fait mangeable, puis garde le nez au ciel pour contempler les constellations avant de me mettre au lit.

Samedi 9 janvier : 3ème jour de marche. J'ai mal dormi et en plus il n'y a que des cailloux au menu du petit déjeuner, autant dire que la motivation est au plus bas. Il n'est alors plus du tout question de se rendre à pied à Petra. Je descends piteusement vers la route, la tête dans le brouillard. Un serpent fuit astucieusement avant que je ne lui marche dessus. Je commence a faire du stop... sans succès. Je reprends ma marche. Une antique bagnole rouge me dépasse avec quatre anciens à bord. Celle-ci se gare sur le bord de la chaussée. Je me permets d'espérer et accélère le pas. Zut ! C'est simplement la pause repas de ces vieux messieurs. Toutefois, ceux-ci me convient à partager leur poulet et galettes. Je n'ai ni mangé ni bu depuis la veille, mais comme le veut la politesse, je refuse par deux fois leur offre (leçon numéro 1 dispensée par David FARGE...) avant d'accepter à la troisième sollicitation. Ces messieurs m'avancent de quelques kilomètres et s'arrêtent à une nouvelle plage. Ils me laissent une bouteille d'eau et une bouteille de coca fraîches. Merci les papys !
Je continue ma marche sur une dizaine de kilomètres, le baume au cœur grâce à cette rencontre impromptue. Les hôtels de luxe ont fait place à des champs de tomates ! C'est assez impressionnant compte tenu de l'aridité du climat. Il fait d'ailleurs plus de 30 degrés, pas mal pour un mois de janvier !
Un nouveau véhicule s'arrête et me propose de monter. J'hallucine un peu car celui-ci déborde déjà de monde. Après quelques incompréhensions, le chauffeur finit par comprendre que je souhaite qu'il me laisse au croisement qui mène à Karak. C'est parti pour 30 kilomètres définitivement plus rapide que mon rythme de randonneur écrasé par le soleil. Au croisement, un petit bus pour Karak attend. Parfait ! Je verse au chauffeur 1 dinar pour le trajet et arrive ainsi à Karak en milieu d'après-midi. Je laisse mon sac à l'entrée et visite ce fort bâti au XIème siècle par les croisés. Ah, l'évangélisation des populations, ça a vraiment eu du bon (humour), le château est magnifique ! Je me perds dans ses différents couloirs, sous-terrains...

Le lendemain, fort de cette expérience, je me dis que de trouver un bus pour aller jusqu'au château de Shobak pourrait être sympa. Selon le lonely planet, il y en a quelques uns chaque matin. Le matin, j'arrive donc à la gare routière, sonné par les 30 minutes de marche en plein cagnard. "Pas de bus direct pour Shobak ? Ah, il faut que j'aille à la ville de Ma'an ? Bon, ben oui alors. "Je monte dans le fameux bus pour Ma'an. Celui-ci ne prend pas la route que j'escomptais et s'éloigne du site de Shobak. Bon. Toutefois, lorsque le véhicule s'arrête près de la voie en direction de Petra, je me sens alors pris d'une fièvre "petrinesque" et descends subitement du bus. Nouvel objectif : visiter Petra aujourd'hui ! La seule mauvaise nouvelle est que je suis au milieu de nulle part en plein désert et que Petra est à plus de 50 kilomètres. Bon, il ne me reste plus qu'à marcher. Compte tenu de l'extrême chaleur, je n'en mène pas large. Aussi, quand un pick-up s'arrête et me propose de squatter l'arrière jusqu'à Petra pour 5 dinars, je maugrée puis obtempère.
A Wadi Musa, la ville proche du site de Petra, je laisse mon sac dans le dortoir de l'hôtel Valentine et court comme un gamin jusqu'à l'entrée. Les bédouins du pick-up m'ont dit que l'entrée a augmenté de 10 dinars, aussi, je ne suis pas surpris lorsque l'employé me demande 41 dinars pour 3 jours de visite. J'essaye de le sonder sur les raisons de l'augmentation, si des ristournes sont possibles. L'employé reste de marbre. Tant pis, c'est Petra ! J'apprendrai tout de même par la suite que, comme des milliers de touristes (voire des millions, il y a plus de 1000 entrées par jour en période creuse pour Petra), je me suis fait arnaquer, l'employé m'a d'office refilé en plus de mon billet, un tour à cheval de l'entrée jusqu'au trésor des Nabatéens que je n'ai jamais sollicité, ni utilisé d'ailleurs.
En entrant sur le site, je suis d'abord effrayé par le nombre de touristes et de commerçants bédouins de tout âge qui vendent des cartes postales, bracelets ou petites bouteilles remplies de sable. Heureusement, il apparait que le site est immense et le flot d'étrangers se dispersent rapidement.

Quand j'arrive devant le trésor des Nabatéens, je me sens extrêmement ému. C'est juste complètement magnifique. Cette construction arrachée à la roche est immense et change de couleur au gré des variations de lumière. Ouahou !
Je visite ensuite quelques autres bâtisses, des tombeaux principalement. Le site est en fait constitué de plusieurs vallées. Il y a 3 principales attractions : le trésor des Nabatéens, le lieu des sacrifices d'où l'on jouit d'un panorama sur tout le site et le monastère. Il y a également d'autres tombeaux dispersés et des grottes moins "luxueuses" dont certaines sont encore occupées par des familles de bédouins.

Le soir, je vais dans un cyber café. Je suis complètement claqué mais je m'entends répondre "oui" lorsque le propriétaire me propose de participer à une fête avec ses amis. Une heure plus tard, me voila embarqué dans une Mercedes sans âge, 6 à bord plus le bois et le bidon métallique pour la cuisson du poulet, sur les chemins bringuebalant de la petite Petra ! Après quelques hésitations, mes nouveaux amis trouvent un endroit propice pour la soirée. Il creusent alors le sol, enterrent le bidon et font un grand feu. Une fois les braises obtenues, ils plongent une marmite de riz et des poulets préalablement nettoyés. Ils referment le bidon et couvrent le tout de terre. Rendez-vous dans une heure trente. Entre temps, deux autres voitures sont arrivées. Après avoir installé un tapis au sol, une guirlande d'un coffre à une branche pour la lumière et branché ensemble les batteries des bagnoles pour la sono, voilà mes amis qui se mettent à sauter dans tous les sens, à danser avec de grands sourires de grands enfants (les convives ont entre 19 et 40 ans bien sonnés). Je discute avec les anglophones puis finis par succomber aux appels répétés pour venir danser. Je reçois alors un cours de danse arabe. Je crois que c'est la deuxième fois de ma vie que je danse sans avoir préalablement ingurgité une quantité d'alcool conséquente. C'est super bien en fait ! A l'heure du repas, tout le monde s'assoit et mange avec les mains. La nourriture est vite avalée ce qui a un effet anesthésiant certain. Après le repas, seul le narguilé bouge de main en main. A 4 heures du matin, mes nouveaux amis me laissent devant mon hôtel.

Les jours suivants, j'ai donc profité à fond de Petra et je suis resté au calme à l'hôtel (le propriétaire passe tous les soirs "Indiana Jones et la dernière croisade") où j'ai rencontré quelques sympathiques routards. Dans le site de Petra, les commerçants bédouins ont fini par s'habituer à ma présence et discutent tranquillement avec moi devant un thé gracieusement offert. J'achète rien, tant pis ! Il y en a un qui m'apprécie particulièrement, il m'a même proposé de travailler avec lui pour 10 dinars par jour. C'est peu mais je pourrais dormir dans une des caves du site ! En gage d'amitié, il m'invite même à aller voir les filles de joie le lendemain soir à Aqaba. "Hhhmmm, euh non, c'est gentil, je vais aller a Wadi Rum."
Le 13 janvier à 6h20, je suis effectivement dans le bus pour Wadi Rum. La veille, je n'avais pas compris le sourire de la réceptionniste de l'hôtel quand je lui ai demandé de me réserver une place dans le bus et que je répondais non lorsqu'elle a essayé de me vendre une prestation auprès d'un tour opérateur pour passer 24 heures dans le désert de Wadi Rum (tour en 4x4 la journée, nuit bédouine authentique sous la tente pour la soirée !). En arrivant sur place, j'ai mieux compris. Tous les autres passagers du bus partent avec leur opérateur, il n'y a que moi qui tente l'expérience désertique à la "roots". Après un coup de speed parce que je ne vois pas d'épicerie et que je n'ai bien sûr rien avec moi à boire ni à manger, je trouve finalement l'objet de ma convoitise et achète 3 bouteilles d'eau, 10 galettes, du fromage, des oranges et c'est parti !

La marche dans le sable s'avère relativement pénible. Comme avec le manteau neigeux, j'essaye de décrypter avec plus ou moins de succès qu'elles sont les passages de sable où je vais m'enfoncer ou pas. Après une journée de marche et quelques essais de grimpette, j'arrive aux limites du parc de Wadi Rum (cette fois, j'ai une carte, pas très précise, mais une carte quand même). Le ciel se débarrasse de ses nuages et les montagnes environnantes prennent des teintes orangées avec le soleil couchant.

Le lendemain, je fais une petite marche et tente de débusquer les lieux d'escalade. Personne ? Je grimpouille les montagnes à droite à gauche pour essayer d'atteindre sans risque le sommet. Le soir, je suis calmé.

Le 3ème jour, je fais un crochet au village pour refaire le plein de bouffe et d'eau, puis je pars à l'autre extrêmité du parc. La journée est consacrée à la marche seulement. Le soir, je m'installe sur un rocher et m'absorbe dans la contemplation des étoiles. C'est alors qu'une voiture arrive et se gare de l'autre côté de mon rocher. Flûte alors, je viens de perdre mon intimité ! 3 personnes font du feu. Bon, je ne vais pas faire mon rabat-joie, je descends à leur rencontre. Là, il y a Ali le bédouin qui travaille ici comme guide et deux de ses amis d'Aqaba. C'est vendredi soir (weekend), aussi, ils s'installent dans le désert, boivent du thé et ... fument des joints. Pour moi, non, ça va aller, après 3 jours ici, je n'ai pas besoin d'agent décontractant extérieur ! Ils restent ainsi 2 petites heures. Les 2 acolytes d'Ali, pas franchement de prime jeunesse, se tapent régulièrement des fous rires hachischéens. Ah, que de souvenirs... A 21 heures passées, ils me laissent le feu et les étoiles et retournent vers leur famille.


Le samedi 16, je vais à pied jusqu'au centre touristique et prends le bus (enfin les bus) pour Aqaba, ville occidentale côtière et bourgeoise où je vois mon premier Mac Do depuis des mois. Je trouve une turne pas chère (10 dinars quand même) et fais un tour en ville. En cherchant une plage, je croise Wa'el, palestinien de 24 ans qui bosse à la grille d'entrée de l'un des hôtels luxueux de la ville. Nous commençons à tchatcher. Je n'ai pas vraiment d'objectifs pour l'après-midi, aussi, je reste finalement 5 heures avec mon nouvel ami. Celui-ci m'explique sa vie ici. Il gagne 400 dinars par mois, se marrie dans 2 mois, ce qui va lui coûter 9 000 dinars, par comparaison, une chambre dans l'hôtel pour lequel il travaille coûte entre 180 et 300 dinars...


Le soir, il m'invite à manger dans son restaurant habituel : falafels, homouss, full et abats de poulets mijotés aux oignons, une spécialité jordanienne apparemment, très bon ! Nous faisons un tour au parc à proximité quand il aperçoit une connaissance. Il lui fait la bise comme ça se fait par ici et papote un moment. Il revient la mine déconfite. Il s'agissait en fait d'un flic qui lui a demandé de ne pas me fréquenter, je pourrais être homosexuel et tenter de chercher d'arriver à mes fins. Or, l'homosexualité est interdite en Jordanie et le policier l'a menacé de prison s'il nous revoyait ensemble ! Dans Aqaba la putain, on peut dépenser des millions mais pas sympathiser avec l'un de ses frères...
Le lendemain, encore marqué et agacé par l'expérience de la veille, j'ai eu besoin d'un bol d'air. J'ai donc marché 2 heures et atteint une grande plage au bord de la Mer Rouge. J'ai emprunté tuba et masque à un jeune marié jordanien qui se baignait avec sa femme vêtue d'un jean, d'un pull et d'un voile qui couvrait sa tête jusqu'au cheville. Je me suis permis de jeter un coup d’œil à ses pieds... Le véritable intérêt d'Aqaba réside en fait ici, dans la mer. Il y a de formidables coraux et plein de poissons de tailles et couleurs variées. Parfait, exactement ce qu'il me fallait !


Retour à pied en ville avec le soleil couchant, passage sur internet pour mon billet d'avion, France - Islande à la télé (handball), soirée peinard en se demandant ce que pouvait bien faire Wa'el..
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Lundi, je suis donc "remonté" à Amman en vue de mon vol du lendemain. Avant que je ne parvienne à la gare routière, un pélot m'arrête : "Amman ? " "euh ? yes !?! " Je monte dans sa bagnole et acquitte 7 dinars après avoir fait baisser le prix initial de 23 dinars... Nous trouvons un nouveau passager et partons pour 200 mètres de route, le temps pour mon imbécile de chauffeur de percuter un taxi à un croisement. Les 2 véhicules sont faiblement endommagés. Un policier vient puis repart quelques minutes plus tard sans que je comprenne s'il a donné tort à mon chauffeur qui a littéralement foncé sur le taxi ou au chauffeur de taxi qui conduisait peinard.
3 heures plus tard, dans la banlieue d'Amman, mon conducteur me propose de boire un café avec sa copine. Je sens qu'il va me faire une entourloupe, mais je ne sais pas encore laquelle. Dans le bar-narguilé, sa fiancée est effectivement là avec 3 de ses amies. Je papote avec l'une d'elle qui étudie la littérature anglaise, super sympa, puis mon conducteur me fait signe qu'il veut y aller. 5 minutes plus tard, il me laisse non pas au centre ville comme convenu mais sur le périphérique. Bof, bon, ben c'était ça l'embrouille... Après du stop et un taxi, je gagne le centre sous des trombes d'eau. Les ruelles sont inondées et des torrents descendent des différentes vallées. C'est l'apocalypse ! Je parviens tant bien que mal à mon hôtel (Mansour Hôtel). Le soir, je croise par hasard Lionel (le grand) rencontré auparavant à Mar Musa. Nous partageons un thé, puis nous nous quittons de bonne heure, il est temps pour moi de me coucher et de laisser la Jordanie derrière moi !
Voila, voilou !
Bon, j'ai été plus prolifique que prévu et encore, je ne vous ai pas parlé de mon budget (1115 euros dépensés pendant les 3 mois et plus au Moyen Orient), de la condition de la femme, des relations hommes-femmes, de la tête du Roi de Jordanie que je trouvais sympathique puis plus du tout, des réfugiés irakiens et palestiniens, des travailleurs philippins et égyptiens et de plein d'autres choses !
Mais ce n'est pas grave.
A la prochaine (dans un mois, le temps que vous digériez ce message) pour des nouvelles du sud-est asiatique où nul doute que 2 Mauriennais devraient laisser une trace, même infime, de leur passage.
Je vous embrasse amis courageux qui avez lu l'intégralité de ce message (les autres aussi d'ailleurs), et bien fort !
Un grand merci pour vos derniers messages et commentaires, ceux-ci m'ont fait énormément plaisir, voyageur temporairement solitaire que j'étais.
A bientôt.
Tony ex-bédouin.

mardi 5 janvier 2010

De Palmyra (25 novembre) à Amman (3 janvier)

Marhaba !


Comme le veut la tradition, je vous souhaite à toutes et à tous une belle et joyeuse année 2010, que celle-ci soit remplie de satisfactions !

Dans mon dernier message, j'exposais à la fin de celui-ci que mon départ pour la Jordanie était imminent. J'avais effectivement en tête d'atteindre Amman avant l'expiration de mon visa, soit avant le 30 novembre. J'avais ensuite le choix entre prendre un vol courant décembre pour la Thaïlande, ou fin décembre pour le Vietnam afin de retrouver mes amis néo-grenoblois Romain et Séverine. Toutefois, comme me l'avait conté un vieux sage italien : "Quand les hommes font des projets, les Dieux se marrent."
En effet, il s'est avéré que j'ai chopé une bonne grippe fin novembre après une nuit glacée dans le désert près de Palmyra et une nuit humide sur le toit de l'hôtel Al-Assad à Damas. Ayant retrouvé Phil dans ses quartiers du vieux Damas, à Bab Tuma, je décidais de squatter son canapé dans l'attente d'une santé meilleure. J'ai ainsi passé une semaine à ne pas faire grand chose, mise à part bouquiner et travailler un peu mon anglais. Mon visa étant expiré, je me suis rendu à l'office d'immigration en quémander un nouveau (pour l'anecdote, je n'ai pas pu obtenir de visa dans le bureau destiné aux étrangers car je n'avais pas de contrat d'habitation justifiant de mon logement à Damas, en l'espèce, celui de Phil, en revanche, j'ai eu mon visa sans difficulté dans un autre office qui n'accueille pas en principe les demandes des touristes...).
Je me suis donc trouvé en possession d'un nouveau visa d'un mois (pour seulement 100 lires syriennes, soit moins de 2 euros). Je me suis alors dis qu'il serait dommage de partir de Syrie alors que je peux rester régulièrement dans ce pays. Toutefois, ayant fait le tour des principaux sites touristiques avec Phil, j'étais alors gavé de vieilles pierres et de marchands ambulants, j'aspirais donc à de nouvelles expériences originales et, autant que possible, peu honèreuses.

Je me suis alors souvenu que David m'avait parlé d'un chouette monastère à 80 kilomètres au nord de Damas, le Monastère de Saint Moïse l'Abyssin (Deir Mar Musa al-Abashi). Je décidais donc de partir pour ce lieu afin d'y passer 10 jours, le temps nécessaire pour retrouver mon énergie et une certaine sérénité alors perdues. Le 7 décembre, j'ai pris un bus de Damas à Nebek puis j'ai marché les quelques 15 kilomètres entre cette ville et le monastère (une voiture m'a avancé de 2 km lorsque je n'étais pas sûr de la route à suivre). Quand je suis arrivé au pied du monastère, j'ai été saisi par la beauté des lieux puis je me suis tout de même demandé ce qu'une personne comme moi, non baptisée et dépourvue d'éducation chrétienne, faisait ici. Je me suis ensuite ressaisi et fixé deux directions : découvrir les textes et pratiques chrétiennes et aider la Communauté par un quelconque travail pour les remercier de leur hospitalité.

Le monastère se situe à quelques 1 300 mètres de hauteur, il se compose du "vieux" monastère, magnifique bâtisse du VIème siècle où l'on peut admirer des fresques du XIème siecle, du nouveau monastère toujours en construction, ainsi que de logements pour les touristes et pour les résidents. L'ancien monastère était tombé en ruine jusqu'à l'arrivée du Père Paolo Dall'Oglio en 1983. Ce jésuite d'origine italienne, charismatique et au physique impressionnant (un bon mètre 90 et autant de kilos) décidait d'employer son énergie à la reconstruction du monastère et à fortifier le dialogue entre les communautés chrétiennes et musulmanes. La Communauté de Mar Musa est aujourd'hui composée du Père Paolo, de Houda et d'une dizaine de moines et de volontaires, principalement de nationalités syriennes.
J'ai tout de suite adoré la vie en communauté, en particulier le fait de rencontrer des touristes du monde entier, le plus souvent des globe-trotters comme moi. Ma demande de travail a été exhaussée puisque je me suis trouvé un temps hôtelier du nouveau monastère (accueil des nouveaux arrivants, inventaire des choses manquantes, ménage...). En outre, le monastère se trouvant au sein d'un parc naturel entre désert et montagnes, j'ai fais régulièrement des randonnées plus ou moins longues.

En revanche, d'un point de vue spirituel, j'avoue que ma démarche n'a pas été complètement simple. En effet, mon seul contact avec un groupe religieux avait été préalablement établi à Nancy auprès de l'organisation Sukyo Mahikari. Ce groupe d'origine japonaise pratique le magnétisme et je m'y trouvais fort bien pendant les 9 mois au cours desquels je l'ai côtoyé jusqu'à ce que mes amis (merci Gaëlle) m'avertissent de sa dangerosité, celui-ci étant classé parmi les sectes dangereuses par un rapport parlementaire de 1996 en raison de ses dérives (désocialisation des membres, dépossession de leurs biens, problèmes de santé en raison des encouragements à ne pas se soigner, la foi permettant de guérir tous les maux...). Suite à mon départ, j'avais fait une bonne dépression et j'avais pris la décision que ma vie spirituelle serait désormais une recherche individuelle, en-dehors de tout groupe et de toute influence.
Or, je me suis trouvé à nouveau plongé au sein d'une communauté avec ses rites et ses croyances. Désireux de participer aux messes, autant par respect pour les résidents que pour savoir si j’éprouvais une quelconque sensibilité chrétienne, j'avoue avoir frôlé la schizophrénie, mon attitude étant au moins partiellement opposée à mes précédentes résolutions. En outre, le Père Paolo, personnage marquant par ses convictions, sa sensibilité et son sens intuitif extrêmement développé, a dû apprécier mes quelques qualités et sentir mon attirance pour la vie religieuse et a ainsi commencé à me "draguer" en me répétant régulièrement que si je voulais rester une année entière, cela ne poserait pas de problèmes... Ajoutez à tout cela le charme et l'énergie particulière des lieux, quelques rêves troublants et des rencontres intéressantes, notamment une amitié naissante avec Shotaro, "ostéopathe" japonais avec lequel je me suis essayé à quelques séances de magnétisme a priori réussies, je me trouvais assez déconcerté. A l'avant veille de mon départ, Houda m'a demandé si je restais pour Noël, soit plus longtemps que ce que j'avais prévu. Je m'entendais alors lui répondre oui... Toutefois, je quittais les lieux le lendemain pour me rendre à Damas afin de fêter les 30 ans de David FARGE et prévoyais un retour au monastère dans des conditions différentes puisque je sollicitais la possibilité de vivre une semaine en retrait dans une grotte aménagée à cet effet.

Je suis donc parti à Damas retrouver Phil, Camille et David pour la soirée d'anniversaire surprise organisée au profit de ce dernier. L'assemblée était composée d'une bonne vingtaine de personnes majoritairement d'origine française ou syrienne. La soirée était très agréable à papoter avec tout le monde (notamment avec Didier, un "CIMADien"), sans excès alcoolique malgré le punch que j'avais préparé. C'était également l'occasion de discuter avec Camille et de remettre mes idées en place par rapport à Deir Mar Musa.
Le lendemain après-midi (18 décembre), je quittais donc à nouveau Damas pour le monastère. J'arrivais en fin d'après-midi à Nebek et parcourais à pied les 17 kilomètres en jouissant du spectacle de la nuit étoilée. Je partageais une dernière soirée avec la Communauté avant de m'installer dans ma grotte. Celle-ci est située près du monastère, dans la montagne. Elle est profonde d'environ 4 mètres. Elle est équipée d'un lit, d'une "kitchenette" (un réchaud à gaz, deux cagettes avec quelques aliments et ustensiles, un coffre pouvant servir de table et deux tabourets) et d'un lieu propice à s'installer pour lire ou bouquiner. Bien entendu, il n'y a ni eau, ni électricité (mais des bougies). J'étais très tenté par une telle expérience mêlant isolement et réflexions. Je m'installais dans la grotte munie d'une bible, du livre du Père Paolo (Amoureux de l'Islam croyant en Jésus) et d'un kilo et demi de dattes, ce qui devait constituer mon alimentation de base.
Ma journée type était approximativement : lever avec le soleil vers 6h30, petit-déjeuner à base de thé et de dattes, lecture, méditation, pause dattes à midi, lecture, méditation, visite de Shotaro pour quelques exercices d'échanges d'énergie, sieste avec l'arrivée de la nuit à 17 heures puis à nouveau dattes-lecture-méditation... J'ai tenu ce rythme alimentaire pendant 3 jours. Je me sentais extrêmement bien le 2ème jour, mon corps étant vidé des surplus liés à quelques excès, la nourriture au monastère étant très bonne (et à volonté...), mais le 3ème jour, j'étais très fatigué, ce qui n'est absolument pas surprenant dans la mesure où mon organisme n'est guère habitué aux pratiques ascétiques. J'abandonnais donc ce régime pour me remettre à des repas normaux (pain et confiture le matin, sandwich le midi, riz ou pâtes le soir).
Le fait de me trouver à nouveau seul a été quelque peu troublant au début mais n'a pas posé de problèmes majeurs, j'aurai pu continuer ma petite vie d'ermite pendant encore quelque temps si Noël n'était pas arrivé. Je suis effectivement descendu de ma grotte pour les fêtes afin de donner un coup de main au monastère. Ce premier Noël en dehors de ma Maurienne natale a été à l'image de mon expérience à Deir Mar Musa, un mélange de sentiments joyeux et tristes. Si je ne suis pas franchement attaché à cette date, elle me rappelle en tout cas cruellement l'absence de ma famille, de mes amis et de mes montagnes alpines.
J'ai quitté le monastère le 26 décembre. Le départ a été un peu difficile compte tenu des amitiés développées. Par contre, je me sentais un peu soulagé de partir, et heureux de retrouver ma liberté et mon voyage. Cette expérience a été très intéressante et riche d'enseignements en matière de découvertes, de réflexions et l'occasion de prendre conscience de mes limites, il ne me reste qu'à être attentif à ce que le temps n'efface pas ma mémoire...
Je suis donc retourné à Damas pour voir Camille et Phil. Camille et moi sommes allés nous balader à Seydnaya où nous avons finalement dormi chez des amis de Camille. A Damas, j'ai visité de nouveaux lieux avec Phil dont une superbe mosquée.
David est rentré de Deir-Ez-Zur pour le 31 décembre. Nous l'avons passé tous ensemble à Maloula, petit village chrétien au nord de Damas. Il était amusant de voir des feux d'artifice et des gens faire la fête alors que le nouvel an musulman a eu lieu quelques deux semaines auparavant. Nous sommes restés 3 jours dans un appartement loué pour la circonstance auprès d'un ami de David. Le Nouvel An a été plus sportif avec de nombreuses randonnées, que festif...
Contre toute attente, j'ai donc quitté la Syrie hier pour atteindre Amman, la capitale de la Jordanie. Cette ville nouvelle est très impressionnante puisque bâtie sur différentes vallées. Il n'est donc pas possible d'avoir une vue d'ensemble de la ville. Je me suis fait une journée touristique avec la visite du théâtre romain de 6 000 places, de la citadelle et des musées archéologiques.

Demain, je vais prendre un bus en direction du Mont Nebo qui devrait constituer le point de départ de mon voyage "roots" en bus, stop et à pied à travers la Jordanie, pour visiter quelques châteaux, la mer morte, Petra et les montagnes de Wadi Rum (où il y aurait des sites d'escalade).

En principe, je devrais prendre un avion pour la Thaïlande entre le 20 et le 29 janvier pour retrouver mon pote Juju et commencer la 3ème étape de mon voyage en Asie du Sud-est, à moins que les Dieux en décident autrement !
Je vous embrasse mes amis, et bien fort.
Une très bonne année à vous tous.
Un Grand Merci à Camille et David pour leur accueil, à Phil pour avoir été un parfait compagnon de voyage.
Tony le pèlerin.